Repère :

L’Académie en ligne du CNED : un site (sans) public.

Le CNED (Centre National de l’Enseignement à Distance) propose une plateforme de cours en ligne. Mais le site, trop fermé sur le plan de la technologie et de la participation des internautes, manque sa mission de service public.

Les moyens de ses ambitions.

Le CNED (Centre National de l’Enseignement à Distance), organe de l’Éducation Nationale, a réalisé en 2009 un projet tout à fait remarquable : l’Académie en ligne. Il s’agit d’une plateforme web qui diffuse à titre gratuit l’ensemble des cours du programme officiel, de la CP à la Terminale. Aucune inscription n’est nécessaire.

L’ambition de l’Académie en ligne paraît tout aussi louable que limpide : soutenir le travail des étudiants au-delà de leurs établissements et, dans l’absolu, mettre l’enseignement à disposition du plus grand nombre, pour ne pas dire de tous. Or, cette ambition me semble sapée par l’outil même qui la porte, composé de choix technologiques très discutables et plus profondément d’un mépris pour celles et ceux à qui il est destiné…

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Fermeture à presque tous les niveaux.

D’abord, le gros point noir de l’Académie en ligne, c’est l’usage systématique de Flash. Si Flash n’est pas activé, la navigation est altérée et de nombreux fichiers (sons, vidéos d’animation…) demeurent illisibles. C’est d’autant plus navrant que ces fichiers multimédias accroissent le champ d’action des cours en les rendant ludiques, pratiques et consistants.

Si les cours sont consistants, le site dans son ensemble est lourd. La faute probablement à des technologies visiblement mal gérées :

  • Flash donc, trop présent et mal intégré.
  • Le CMS (Microsoft SharePoint) dont on a extrait un code infâme ; une structure en tableaux « comme à la belle époque » pour une quasi-soupe de code, sans doctype.
  • Côté serveur, le site renvoie constamment ses contenus, et la compression des pages — avantage net sur un tel site — n’est pas activée.

Enfin, rien n’a été fait en matière d’accessibilité : thème sans souplesse, néant sémantique et structurel…

Les seuls points positifs concernent d’un côté la présence du format OpenDocument (Wikipédia), même si PDF représente la majorité de fichiers souvent très complets et à la mise en page soignée. De l’autre, c’est l’utilisation de GeoGebra pour les ressources géométriques qui, bien que nécessitant l’installation du logiciel, procurera sans doute du plaisir aux utilisateurs par ses larges possibilités.

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Impopulaire par nature.

Les utilisateurs… Les avait-on oubliés ? Car c’est ici aussi que réside le problème des licences propriétaires et surtout fermées. Tandis que les CMS open-source et HTML5 progressent sur le marché, comment les étudiants pourraient-ils être sûrs, aujourd’hui comme demain, de pouvoir lire et télécharger les contenus ? Oui, je dis « télécharger », parce que les Conditions Générales d’Utilisation du site l’autorisent. Mais là encore, interdiction de diffuser quoi que ce soit à un camarade par exemple. De toute façon, un ensemble de dispositifs techniques verrouillent jusqu’au simple clic droit et cantonnent l’usage du site à la consultation passive.

Que conclure alors ? Que l’Académie en ligne n’est qu’une base de données fermée(s), et non une mise à disposition pour toutes et tous de ce que l’école publique et gratuite transmet chaque jour à des millions d’étudiants sans leur empêcher, aux dernières nouvelles, de le passer à leur voisin.

Le pire, c’est visiblement l’absence totale de prise de conscience de la part du CNED de faire un site pour des jeunes et en plein Web 2.0. Non seulement l’interface manque cruellement de piquant et d’ergonomie (comment les jeunes adolescents pourraient l’utiliser ?), mais surtout il n’y a aucune intégration aux réseaux sociaux, aucun espace de discussion ou de commentaires. Peut-être ont-ils pensé qu’on se consolerait avec leur enquête de satisfaction

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Le Web vu de l’Académie, et non l’Académie vue du Web.

De l’Académie en ligne comme produit d’une politique publique à l’Académie en ligne comme produit politique tout court, le pas aura été vite franchi — et par eux, et par moi.
De mon point de vue, ce qui devrait être l’investissement du web par une institution d’État n’aura été, pour l’instant, que la manière dont l’État voit le Web : un média verrouillé, à sens unique ; le fameux Minitel 2.0 de Benjamin Bayart. Pourtant, l’Académie en ligne demeure un service prometteur, aux contenus complets et sérieux, profondément républicain dans le décuplement qu’il opère sur la mission de l’École : une éducation publique et gratuite.

Il manque encore « sans distinction » pour parachever cette réalisation ; sans distinction de matériels ni d’utilisateurs. Ça, il n’y a qu’avec une plateforme ouverte et respectueuse des standards, et dont les contenus le sont aussi, que le ministère peut y parvenir.

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Note : Vous pouvez lire les réactions à cet article sur linuxfr.org.

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